Publié le 5 Juin 2021

Depuis la « Bataille d’Angleterre » (Juillet 1940-mai 1941) les bombardements alliés se multiplient, visant des points stratégiques pour les allemands et leurs implantations militaires dans la zone occupée. Lors de ces opérations, les avions britanniques et américains sont la cible des FLAK (DCA Allemandes) et d’attaques aériennes.

Le terrain d’aviation de Creil-Verneuil et la vie des Vernoliens 1940-1944 (suite et fin)

Lorsque des aviateurs survivent au crash de leur avion, ils sont récupérés, mis en sécurité et soignés avant de rejoindre l'Angleterre sous l’égide d’un groupe de résistants.

Dans la région de Creil, le Dr Georges Debray, Chirurgien à la clinique de Creil et résistant, installe, à son domicile à Creil, des lits d’hospitalisation pour les blessés graves nécessitant une opération sous anesthésie générale. De 1941 au 15 août 1945, 31 membres de groupements de résistance de la région de Creil et 14 aviateurs américains ou anglais tombés à Bresles, Cires-les-Mello, Saint-Just-en-Chaussée, Wavignies, Clermont et Villers-Saint-Paul sont ainsi soignés à l’insu de l’armée allemande.

Le docteur Debray héberge aussi des blessés dans la maison qu'il possède à Verneuil dans la rue du professeur Calmette, presque en face de la ferme. Jules De Bruyne, le fils de cette ferme, m’a confié, il y a une quarantaine d’années, un souvenir de la guerre 1939-1945. IL a 15 ans et son père lui demande de prendre un attelage de chevaux pour aller chercher une charrette de paille chez leur cousin qui tient la ferme de Villers Saint Paul. Pour franchir l’Oise, il doit donc traverser Creil et ainsi croiser de nombreux soldats allemands mais cela ne l’effraie pas puisqu’il lui arrive d’aller chercher la soupe au quartier général de Creil pour la porter aux soldats de la base. Sur le chemin du retour, il entend parfois des plaintes et des gémissements provenant de son chargement de paille. Il a hâte d’arriver à la ferme !

Dans un premier temps, de 1940 à 1943, le terrain d’aviation de Creil-Verneuil est utilisé par l’aviation allemande dans un but offensif : ses escadrilles de bombardiers Heinkel He 111 puis de Junkers Ju 88 participent à la « bataille d’Angleterre » et aux bombardements stratégiques.

Le terrain d’aviation de Creil-Verneuil et la vie des Vernoliens 1940-1944 (suite et fin)

Après les revers de l’armée allemande sur le front de l’est, à Stalingrad au deuxième semestre 1942 et à Koursk l’été 1943, l’Allemagne adopte une posture plus défensive. Les escadrilles hébergées au champ d’aviation de Creil-Verneuil sont plutôt constituées d’avions de chasse : Messerschmitt Bf 109G et Focke-Wulf Fw 190.

Le terrain d’aviation de Creil-Verneuil et la vie des Vernoliens 1940-1944 (suite et fin)

La guerre qui dure et les lignes de front qui se multiplient accroissent les besoins de l’armée allemande. Les prélèvements de l’occupant en matières premières et denrées de toutes sortes augmentent. Les rations alimentaires diminuent et d’autres aspects de la vie quotidienne pâtissent du rationnement : par manque de tissu et de cuir, il devient difficile de s’habiller et de se chausser ; par manque de charbon, se chauffer devient un luxe, etc. Les métaux ferreux et non ferreux sont contingentés pour le matériel de guerre et certaines autres productions deviennent impossibles.

Autre conséquence de la guerre qui perdure, faisant de nombreuses victimes et que l’armée allemande remplace par des hommes de plus en plus jeunes : les usines allemandes manquent de main d’œuvre et l’occupant instaure « la relève » qui prévoit l’échange d’un prisonnier contre trois ouvriers volontaires pour aller travailler en Allemagne.

L’usine chimique de Villers-Saint-Paul intégrée le 18 novembre 1941[1] au groupe Francolor à capitaux majoritairement allemands, envoie des ouvriers « volontaires désignés d’office » travailler dans une usine du groupe à Ludwigshafen. Parmi eux René Marchois et René Poitou, habitants de Verneuil.

 

[1] C’est une conséquence de la signature de l’armistice de 1940. Voir : Contribution de l’industrie chimique française à l’effort de guerre allemand  - Hervé Joly.

Le terrain d’aviation de Creil-Verneuil et la vie des Vernoliens 1940-1944 (suite et fin)

Suite au peu de succès de « la relève », l’Etat Français à Vichy instaure, par la loi du 16 février 1943, le service du travail obligatoire qui impose à tous les jeunes Français, nés entre 1920 et 1922 d’aller travailler en Allemagne. Ceux qui ne partent pas et ceux qui s’enfuient des camps deviennent « réfractaires » et sont obligés de se cacher Certains d’entre eux rejoignent les groupes de résistance dont les actions, de plus en plus soutenues par la population, se multiplient.

L’hiver 1943-1944 marque un tournant de la guerre : les forces de l’axe (l’Allemagne   et ses alliés) sont en difficulté sur tous les fronts. Les alliés intensifient les bombardements sur les sites industriels Allemands, l’industrie aéronautique et les infrastructures pétrolières sont particulièrement visées. Les cantonnements allemands en France occupée sont également ciblés. Le champ d’aviation de Creil-Verneuil subit de nombreuses attaques aériennes alliées qui causent autant d’alertes. Les habitants de Verneuil creusent des abris, sous la place de l’église et sous la boulangerie entre autres, abris qu’ils rejoignent lorsque la sirène retentit. Si l’abri est trop loin, la cave de la maison ou celle du voisin, en font office

Le 2 juin 1944, un groupe de bombardiers B-24 Liberator vient larguer ses bombes sur la base utilisée par les Allemands. Quelques-unes tombent sur Montlaville, huit personnes sont tuées : Victor Octave Delabre, 51 ans, Alphonsine Denain veuve Domart, 82 ans, Thérèse Dine veuve Salomez, 71 ans, Alexandrine Galleux veuve Dumonté, 71 ans, Georges Gottrand, 33 ans, Marie Aline Havy veuve Berton, 53 ans, Marthe Havy veuve Anselme, 50 ans, Eugénie Leclère épouse NOËL, 85 ans.

Le même jour, un groupe de B-24 Liberator bombarde la gare de triage de Creil. Un des avions touché par la DCA allemande, s’écrase à Villers-Saint-Paul. L’opérateur radio blessé ne peut pas sauter en parachute et péri lors du crash. Le pilote, le co-pilote, le navigateur, le bombardier et trois mitrailleurs sont fait prisonniers. Le mécanicien et le quatrième mitrailleur réussissent à s’évader.

Le 27 juin 1944 en fin d'après-midi, suite à un problème technique, un avion venu bombarder la base Creil-Verneuil perd des bombes : une tombe chaussée du moulin tuant Émile Dollez, 48 ans, René Rollet, 31 ans et son fils Michel âgé de 3 ans. Une autre tombe près du marronnier qu’elle fend en deux et ôte la vie à Denise Grenier, 14 ans.

Ces bombardements font aussi des blessés. Une équipe locale de volontaires de la Croix Rouge instruite et dirigée par Me Debray, la femme du chirurgien de Creil, assure les premiers soins. Parmi les sauveteurs : Adrienne Bonnaventure, Marie-Antoinette Busson, Paul Gardedieu, etc.

 

À partir du débarquement le 6 juin 1944, apparaissent des groupes de FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) qui harcèlent et attaquent les troupes d’occupation pour les gêner dans leur repli. À Verneuil Maurice Gottrand est chef du groupe qui compte parmi ses membres les frères Bailly, Marceau Hanesse, Lucien Tarcy, etc.

Remontant la vallée de l’Oise, les blindés américains arrivent dans le bassin Creillois le 30 août et passent la nuit dans la forêt de la Haute-Pommeraye, craignant de trouver une forte résistance sur la base. Quant ils reprennent leur avance le lendemain, ils ont le champ libre car les derniers Allemands ont quitté les lieux deux jours auparavant, après avoir détruit de nombreux hangars et dynamité les pistes du terrain d'aviation sur toute leur longueur pour les rendre inutilisables.

À 10 Heures ce jeudi 31 août 1944, les blindés de la 30e Division d’Infanterie américaine descendent la cavée du cimetière (actuelle rue de l’égalité).

Verneuil est Libéré !

Les FFI de Verneuil hissent le drapeau tricolore au sommet de l’église mais, depuis Rieux, une batterie allemande en cours de repli fait feu en direction de Verneuil et perce la pyramide du clocher de part en part. Un char américain se trouvant à la Rue des Bois vise la batterie et la réduit au silence.

Le même jour se constitue le Comité de Libération Nationale de Verneuil sous la présidence du maire, Albert Lescadieu. Ce comité, composé en grande partie de résistants, doit proposer au préfet un conseil municipal provisoire afin de siéger jusqu’aux élections prévues au printemps 1945. 

Pour compléter la liste des Vernoliens victimes de la guerre 1939-1945, il faut citer René Jules Nicolas, 22 ans, tué lors d’un bombardement de l’usine de Ludwigshafen où il effectuait son Service du Travail Obligatoire et Roger Louis Demazure, 24 ans, décédé en déportation. Il faut évidemment aussi y inclure les Vernoliens tués en accomplissant leur service militaire actif : Louis Dorigny, Arthur Facon, J. Grimbert, Georges Legendre, Jean Lenain, René Ruin.

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Rédigé par Les Amis du Vieux Verneuil ; Robert Poitou

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