Publié le 14 Février 2016
A la suite de la visite guidée que les membres de la Société académique de l'Oise ont faite à Verneuil le 20 juin 2015, Roselyne Bulan, secrétaire perpétuelle de la SAO, a rédigé ce compte-rendu très intéressant. Nous l'en remercions bien vivement.
Pour la sortie du 20 juin 2015, la Société académique proposait à ses sociétaires, un riche programme qui conduisait :
- A Verneuil-en-Halatte, pour découvrir l’histoire de ses châteaux et notamment le célèbre château du 16ème siècle, joyau de la Renaissance, malheureusement aujourd’hui ruiné, le manoir « Salomon de Brosse » et l’église Saint-Honoré.
- A Pompoint avec la célèbre abbaye du Moncel,
- A Rhuis avec la superbe église pré romane
Le petit compte rendu qui vous est proposé n’est qu’un aide mémoire pour vous rappeler cette sortie. L’histoire de ces lieux mériterait un plus grand développement …. Mais il vous est conseillé de vous reporter aux études qui ont été réalisées.
Nous ne donnerons ici que ce qui concerne Verneuil-en-Halatte
1ère étape : Verneuil
Nous sommes accueillis par une équipe des Amis du vieux Verneuil, avec sa présidente, Christine Pineau, le président honoraire, Yvan Sarrazin et son épouse, mais aussi deux vice-présidents, la secrétaire…Ils nous serviront de guides toute la matinée et nous les remercions très sincèrement
Construit au 16ème siècle, il portait alors le nom d’hôtel Saint-Quentin. Il sera acheté en 1623 par Salomon de Brosse, architecte qui participa à la construction du grand château, pour en faire sa résidence. Il remplaça la tour hexagonale initiale par une tour à deux étages, en pierre bien équarrie, couverte en ardoises : celle que l’on voit aujourd’hui. Sans doute remaniées par Salomon de Brosse, les façades conservent une belle allure. Dommage que le manoir ait été vandalisé ce qui a entrainé de murer portes et fenêtres.
On y voit encore le puits qui appartient à l’ancien hôtel Saint-Quentin. Ce manoir est un rare exemple en Picardie de l’architecture de la Renaissance à la campagne dans lequel peut se lire l’intervention de Salomon de Brosse. On peut voir le parc qui a été réaménagé par la commune et ouvert au public. On y retrouve au centre le vivier de Salomon de Brosse.
Les châteaux
- Les maquettes : Les Amis du vieux Verneuil ont réalisé des maquettes fort intéressantes, d’une grande précision des deux châteaux mais également un plan de situation avec les différents monuments en élévation
- Un peu d’histoire : Le château qui a fait la renommée de Verneuil a été commencé dans les années 1550 pour se terminer vers 1613. A cette époque Philippe IV de Boulainvillers, comte de Dammartin, habite le vieux manoir seigneurial (on l’appellera par la suite le château d’en Bas), restauré par son grand-père, Charles de Boulainvillers vers 1510. Philippe est orphelin de guerre, son père a été tué en 1536 en allant placer une contre-mine dans Péronne assiégé. Il a alors été élevé à la cour avec « les Enfants de France », comme l’un des enfants d’honneur de François 1er. Agé d’une trentaine d’années il rêve d’un logis digne de ses origines et de son rang et envisage la construction d’une nouvelle demeure sur la colline qui domine la ville : ce sera le superbe château connu en particulier par les gravures de Jacques Androuet du Cerceau.
Plusieurs familles d’architectes séjournent à Verneuil, en particulier, Jacques Androuet du Cerceau, l’auteur des gravures du château, qui seront publiées dans « Les dessins des plus excellents bâtiments de France » mais également de divers projets conservés au cabinet des dessins du Louvre.
1ère tranche de travaux : Différents marchés seront passés :
- L’un en septembre 1560, avec Ponce Jacquiot, maître sculpteur à Paris, concernant des statues, ce qui montre qu’à cette date la construction était bien avancée.
- Un autre, le 28 mars 1564, avec Guillaume Wespin, marbrier à Dinant, pour la fourniture de quatre cheminées et de deux colonnes en marbre.
Mais Philippe de Boulainvillers fut obligé de vendre sa seigneurie en 1575, sans doute par manque d’argent pour financer cette grandiose et luxueuse construction. Elle fut acquise le 6 févier 1575, par acte passé au Chatelet de Paris, par Jacques de Savoie, duc de Nemours, et son épouse, Anne d’Este, petite fille de Louis XII.
2ème tranche de travaux : Les nouveaux seigneurs de Verneuil reprennent le projet initial, dont seule l’aile nord est construite, mais en le simplifiant, sans doute pour l’adapter à l’évolution de l’art et de leurs goûts personnels mais également pour en réduire le coût. Un nouveau projet est établi en 1575 par Jacques Androuet de Cerceau et des marchés sont passés, en particulier celui du 22 août 1576 avec l’architecte Jean de Brosse pour l’achèvement du corps de logis et des pavillons d’angle. Notons que Jean de Brosse avait épousé la fille de Jacques Androuet du Cerceau. Les travaux ont dû se poursuivre mais en 1585 meurt Jacques de Savoie et son épouse délaisse Verneuil, préférant son hôtel parisien. Le château reste occupé par des capitaines ou gouverneurs du château ainsi que par du personnel comme en témoignent les registres d’était civil.
Mais le 3 juin 1600, Anne d’Este, veuve de Jacques Savoie, et son fils, vendent à demoiselle Henriette d’Entragues, la terre et seigneurie de Verneuil. Notons que cette Henriette est la maitresse d’Henri IV, qui en assurera le paiement et la poursuite des travaux.
3ème tranche de travaux qui sont confiés à Salomon de Brosse : des gravures de Nicolas le vieux de Poilly (1627-1696) ou de Pierre Aveline (1656-1722) en montrent l’évolution stylistique. A cette époque il est aussi procédé à l’entourage de l’ensemble du domaine, incluant les deux châteaux, le parc et les jardins, par des murs.
L’assassinat d’Henri IV le 14 mai 1610, a sérieusement diminué les ressources d’Henriette d’Entragues et, en 1616, une transaction diminue les sommes dues à l’architecte pour ses honoraires. Par la suite, elle se retire dans le couvent des Annonciades célestes qu’elle a fondé en 1623 et où elle décédera en 1633. Son fils, Monseigneur de Metz, Prince du Saint-Empire (Henri de Bourbon, enfant naturel qu’elle avait eu avec Henri IV en 1601 et qui fut légitimé en 1603), hérite du château. En 1666 il abandonne ses charges ecclésiastiques et épouse en 1668, Charlotte Seguier, veuve en 1662 de Maximilien III, duc de Sully. Il décède sans héritier en 1682 (une litre sera peinte sur les murs de l’église) et le château échoue, par dot, à Maximilien V de Béthune, duc de Sully, un petit fils de son premier mariage, à l’occasion de son mariage le 10 avril 1689 avec Madeleine- Armande de Cambout-Coislin. Commence alors le déclin du château et le 30 mai 1705, celui-ci est cédé à Jules-Henri de Bourbon, Prince de Condé, sonnant le glas pour celui-ci ! Sa démolition est ordonnée le 10 mai 1734.
La vente du parc et des ruines le 2 avril 1870 détache Verneuil du domaine de Chantilly et l’écarte du legs à l’Institut de France. Plusieurs propriétaires se succèdent jusqu’à l’achat par la commune en 1987. Le Club du vieux manoir en commencera alors le nettoyage.
Voici ce qu’il en reste aujourd’hui : des bâtiments rasés, les pierres ayant été récupérées pour des constructions, une plateforme où la végétation reprend ses droits, et qui traduisent le regret de la disparition volontaire de cette merveille architecturale.
L’église Saint-Honoré.
Dédiée en fait à Sainte-Geneviève et Saint-Honoré, l’église était jadis le siège d’un prieuré-cure dont la fondation remonte à 1104. Mais au 15ème siècle, le clocher roman s’est effondré et les très nombreux travaux nécessaires entrainèrent la quasi reconstruction de l’église qui se fit dans le style gothique flamboyant, dont :
-sur le flanc nord, l’élégant porche qui s’ouvre par une arcade en anse de panier, cantonnée par deux contreforts. Quatre baies, en accolade, éclairent les côtés. Couvert d’un toit en bâtière, le porche est voûté d’ogives avec liernes et tiercerons.
- le portail de la face occidentale, en anse de panier, partagé par un trumeau et surmonté d’une grande fenêtre. Trois consoles à baldaquin n’ont plus leur statue.
- la tour-clocher surmontée d’une flèche en pierre, construite sur une base carrée à balustrades
En entrant dans l’église on est frappé par le nombre important des pierres tombales qui constituent un bon témoignage historique, comme par exemple, celle d’Antoine Hamelin
La nef est composée d’un vaisseau central, de cinq travées, flanquée de deux collatéraux. Elle est voûtée d’ogives avec des liernes qui retombent sur des piles de plan ondulé. Elle n’est pas éclairée directement en l’absence de fenêtres hautes et, seules les baies des collatéraux, apportent la lumière.
Les bas-côtés sont constitués de sept travées dont les voûtes retombent sur les piliers de la nef et sur les colonnes engagées dans les murs extérieurs.
Au niveau de chœur, on note la présence de deux anciens enfeus, dans les dernières travées du bas-côté sud dont les arcades retombent sur des consoles aux armes des Boulainvillers, seigneur de Verneuil de 1415 à 1575.
Les vitraux sont du 19ème et du 20ème siècle et sont dus à divers maîtres verriers dont Léveque ou l’atelier Tétrelle de Beauvais, ou bien l’atelier Claude Barre d’Amiens.
Après avoir été inscrite à l’inventaire supplémentaire des MH en 1927, l’église est classée Monument Historique depuis 2005.