Publié le 31 Mai 2021

La plateforme située au sud-Ouest de Verneuil et à l’Est de Creil, à cheval sur les deux communes, accueille, au cours de la guerre 1914-1918 des escadrilles d’avions pour des missions de reconnaissance

Le plan de défense passive de 1931 prévoit d’utiliser ce site pour protéger des attaques aériennes l’agglomération creilloise, proche de Paris, et qui constitue un site stratégique, avec ses nombreuses usines et son nœud ferroviaire. Pour respecter ses engagements envers ses alliés, la France déclare la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939. En novembre 1939, le terrain de Creil-Verneuil est aménagé et accueille des unités de D.C.A. qui sont opérationnelles à la fin du mois. À l’approche des troupes allemandes, elles sont évacuées le 6 juin 1940 et Creil est bombardé le 10 juin.

Le terrain d’aviation de Creil-Verneuil et la vie des Vernoliens 1940-1944

L’armistice entre la France et l’Allemagne, signé le 22 juin 1940, sépare la France métropolitaine en une zone « libre » et une zone occupée par l’armée Allemande, dans laquelle se trouve Verneuil. Sans attendre, les Allemands prennent possession du terrain de Creil-Verneuil qui va devenir une base de départ pour aller bombarder l’Angleterre, toujours en conflit avec l’Allemagne. En août 1940, l’occupant commence à aménager la plateforme que l’organisation Todt transforme en un véritable terrain d’aviation. Celui-ci sera utilisé par la Luftwaffe jusqu’à la libération. Pour construire les pistes, le mur d’enceinte du château de Verneuil y compris les tourelles (la porte « Henri IV ») est démonté pour en récupérer les pierres. Le mur entourant l’étang de la rue de Verdun et le mur d’enceinte du château de Beaurepaire subissent le même sort. Les pierres sont transportées par les fermiers de Verneuil et ceux des communes voisines, réquisitionnés pour la semaine avec leurs attelages de chevaux et tombereaux.

Le terrain d’aviation de Creil-Verneuil et la vie des Vernoliens 1940-1944

Les deux pistes construites ont une largeur de 50 m et mesurent respectivement 1620 m et 1710 m de longueur. Elles sont recouvertes de ciment et équipées d’un système d’éclairage permettant l’atterrissage de nuit, ainsi que d’une rampe d’approche avec phare de rappel au mont Pagnotte. Les avions sont abrités par de nombreux hangars construits en lisière du bois situé sur le plateau, le long du chemin du Parc de Verneuil. Le château Boncompagne, du nom du propriétaire qui l’a fait construire, est utilisé par les officiers et les services administratifs locaux de l’aviation allemande. IL est peint en noir pour ne pas être repéré par les alliés qui viennent bombarder la base.

Le terrain d’aviation de Creil-Verneuil et la vie des Vernoliens 1940-1944

De nombreux baraquements sont construits pour le cantonnement des soldats allemands et pour y installer divers ateliers. Parmi le groupe de hangars implantés à Malassise par les Allemands, l’un d’eux est surmonté d’un clocher factice pour simuler un village et éviter que les alliés ne le bombardent. Les habitants de Verneuil appellent cet ensemble « le village nègre ». 

Le terrain d’aviation de Creil-Verneuil et la vie des Vernoliens 1940-1944

Le terrain d’aviation mobilise un nombre important de soldats allemands : en plus des pilotes et mécaniciens, il faut le personnel d’entretien des pistes, des installations et des bâtiments, des équipes de défense aérienne et d'autres qui assurent la garde du secteur, du personnel de commandement et d’administration, etc.

Le terrain d’aviation de Creil-Verneuil et la vie des Vernoliens 1940-1944

L’occupant réquisitionne le groupe scolaire Jules Ferry et y installe son quartier général. Le bureau de poste et des grandes maisons de Verneuil sont aussi réquisitionnés : dans l’actuelle rue Aristide Briand pour établir une annexe du quartier général, rue Victor Hugo pour installer une cuisine et pour loger des officiers, à Montlaville, etc.

Suite au bombardement du hangar de réparation des avions de la base par les alliés, des ateliers de menuiserie et d'ajustage sont respectivement installés aux numéros 32 et 34 de la rue du Professeur Calmette.

Des personnes de Verneuil, principalement des femmes dont le mari est prisonnier ou affecté au service du travail obligatoire en Allemagne (voir plus loin), sont employées par l’armée d’occupation pour faire du ménage dans les locaux occupés par les officiers, entretenir les habits des soldats ou encore travailler aux cuisines du terrain d’aviation. Les personnes qui pénètrent dans l’enceinte militaire pour leur travail doivent montrer un laisser passer. C’est le cas des fermiers qui, tous les soirs, doivent, à tour de rôle, aller chercher la soupe au quartier général de Creil installé dans le lycée Jules Uhry, pour la porter ensuite aux soldats allemands retenus aux postes de DCA à Vaux, en haut de la rue de l’égalité et à Malassise en particulier.

La zone occupée est placée sous le contrôle de l’autorité militaire allemande mais l’administration française est maintenue. Les maires, préfets, gendarmes et autres représentants administratifs servent d’interface avec la population, une position difficile à assumer.

Dès le début de l’occupation, les habitants n’acceptent pas la cohabitation. Des exactions sont commises pou gêner l’installation et le déploiement des militaires allemands. Le 19 novembre 1940, la ligne téléphonique Creil-Fleurines de l’armée d’occupation subit un acte de sabotage. Les maires des communes de Creil et fleurines sont convoqués par le commandant du quartier général de Creil. Il inflige à ces deux communes une forte amende, celle-ci servant de dépôt de garantie destiné à être encaissé par le Reich en cas de récidive. Le maire de Creil, M. Havez[1], s’étonne auprès du sous-préfet de Senlis que la commune de Verneuil ne partage pas le malheureux sort de Creil et Fleurines alors qu’une grande partie de la ligne téléphonique parcourt le territoire de Verneuil. Il explique au sous-préfet qu’il ne peut pas percevoir l’amende de 10 Marks par habitant car la population de Creil, essentiellement ouvrière et comportant beaucoup de familles nombreuses, est fortement impactée par le chômage. IL fait remarquer que, pour une famille dont le père travaille avec un salaire moyen de 1000 F, même avec un seul enfant, l’amende s’élève à 30 Marks soit 600F, c’est-à-dire les trois cinquièmes du salaire mensuel. Le préfet intervient auprès du commandant et obtient la réduction de l’amende à la moitié de la valeur initiale.

Malgré ces fortes amendes imposées le 28 novembre 1940 par le commandant de l’autorité allemande à Beauvais, aux populations de Creil et Fleurines, quatre nouveaux actes de sabotage sont commis entre le 16 et le 18 décembre sur les routes de Creil à Verneuil, Creil à Chantilly et Creil à Saint Maximin. En conséquence le 19 décembre, le commandant du quartier général de Beauvais impose aux habitants des communes concernées la surveillance, le jour et la nuit, des câbles téléphoniques sur toute l’étendue des routes Creil à Verneuil, Creil à Chantilly et Creil à Saint Maximin. Les maires sont chargés d’organiser les tours de garde.

Autre conséquence, les amendes servant de garantie sont réclamées aux communes. Une moitié de la somme est encaissée par le Reich et l’autre moitié est gelée pour être remboursée au 1er avril si aucune exaction n'est commise entre temps dans le secteur.

 

[1] Gabriel   Havez est responsable pour le secteur de Creil du mouvement de résistance Libé-Nord.

Le terrain d’aviation de Creil-Verneuil et la vie des Vernoliens 1940-1944

La surveillance des lignes téléphoniques décidée par le Feldkommandant le 19 décembre 1940 est suspendue à partir du 20 janvier 1941. Pour la ligne Creil-Verneuil la suspension est de courte durée car un autre sabotage réactive la surveillance du 7 février au 4 mars 1941 et provoque l’encaissement de la deuxième moitié de l’amende par le Reich.

Des coups de feu ayant été tirés sur une sentinelle du champ d’aviation, le commandant du quartier général de Senlis informe, le 15 avril 1941, le préfet des décisions qu’il a prises pour qu’il les transmette aux maires des communes concernées : Apremont, Aumont, Creil, Fleurines, Saint-Maximin, Verneuil. D’abord, il rappelle qu’il est formellement interdit d’entrer sur le terrain, soit le jour soit la nuit, sans être muni d’une autorisation spéciale. Puis il précise que pendant la nuit (période comprise entre une demie heure avant le coucher du soleil et une demie heure après le lever du soleil), les sentinelles ont l’ordre de tirer sur chaque contrevenant sans le moindre avertissement.

Le terrain d’aviation de Creil-Verneuil et la vie des Vernoliens 1940-1944

Un plan du terrain d’aviation est joint à la lettre ainsi que des affichettes pour prévenir la population.

Le terrain d’aviation de Creil-Verneuil et la vie des Vernoliens 1940-1944

Le 24 février 1942, Le commandant major Heir informe le sous-préfet de Senlis que des personnes ont été rencontrées ramassant du bois à l’est de la rue Creil-Senlis, trop près des terrains militaires et sans autorisation, au risque d’être fusillées. Il exige d’assurer l’impénétrabilité de l’enclos qui entoure la forêt, au bord des rues Creil-Senlis-Apremont.

Dans un courrier du 25 mars 1942, le capitaine du quartier général allemand de Creil reconnait les efforts des communes pour clore le secteur de la base mais il constate que cela n’empêche pas des habitants de Creil de pénétrer dans le bois du champ d’aviation en abimant la clôture. Il demande aux maires de faire surveiller le périmètre de l’aérodrome par des organes de police pour que l’interdiction de pénétrer soit respectée. Un projet de contrat, écrit en allemand et en français, établi entre la direction du champ d’aviation et le maire comme responsable des personnes qu’il engage pour surveiller l’enclos du terrain d’aviation, est joint à la lettre. Ce contrat prévoit que les frais découlant de la surveillance seront à la charge de l’autorité allemande, que les hommes de confiance choisis par le maire seront payés par la commandanture de Creil 7,50 F de l’heure moins la retenue pour les assurances sociales. Les documents conservés aux archives départementales de Beauvais ne permettent pas de savoir quelle suite est donnée à ce projet de contrat mais il n’est pas fait état d’acte de malveillance à l’encontre de l’aérodrome de Creil à partir de cette date.

Il est à noter qu’à ce moment les français qui n’acceptent pas l’armistice et l’occupation, après « des opérations coup de poing » isolées, s’organisent en différents groupes parmi lesquels : l’organisation civile et militaire, le front national et libé-Nord qui compte parmi ses dirigeants le député-maire de Creil, Jean Biondi. Il en résulte des actions mieux préparées et des cibles différentes pour importuner l’occupant : destruction de transformateurs électriques, de pylônes à haute tension, puis des sabotages de voies ferrées. Parallèlement des vols de différentes natures, bicyclettes, voitures, argent, tickets de rationnement, tabac, etc., permettent de subvenir aux besoins des groupes de résistants dont certains membres ont quitté leur travail pour se consacrer à plein temps à la lutte.

Les documents conservés aux archives de l’Oise permettent de dénombrer 175 actes malveillants enregistrés par les policiers de l’Oise entre mars 1943 et mars 1945. Ils correspondent à 31 atteintes à la personne, 33 dégradations de structures urbaines ou industrielles, 38 actes de sabotage du matériel ferroviaire (réseau et matériel roulant) et 73 vols parfois sous la contrainte avec arme.

à suivre

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Rédigé par Les Amis du Vieux Verneuil

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Publié le 13 Mai 2021

Marc Niederhauser nous présentera "L'Oise au fil de l'eau" le mardi 25 mai à 20h en visio-conférence.

Il évoquera la vie sur la rivière et ses rives au cours des trois cent dernières années, bien avant que le canal Seine-Nord soit d'actualité.

Attention horaire avancé à 20h

Si vous souhaitez y assister, veuillez demander le lien à :

amisduvieuxverneuil60@gmail.com

Enfin "L'Oise au fil de l'eau"
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